Au cœur du IIIᵉ siècle après J.-C., dans un Empire romain affaibli par les crises politiques et les invasions, émergea une femme d’exception : Zénobie, reine de Palmyre. Belle, cultivée et redoutablement ambitieuse, elle sut hisser sa cité syrienne au rang de puissance rivale de Rome. Née vers 240, Zénobie – de son nom latin Septimia Zenobia – descendait, selon la tradition, de la dynastie des Ptolémées d’Égypte. Elle épousa Odenath, le roi de Palmyre, homme fort de l’Orient romain, qui protégeait la région contre les Perses sassanides. À la mort mystérieuse d’Odenath, Zénobie prit le pouvoir au nom de son jeune fils Wahballat, mais son autorité ne tarda pas à s’imposer par elle-même. Sous son règne, Palmyre connut un âge d’or. La reine administra un vaste empire s’étendant de l’Égypte à l’Anatolie, faisant de sa capitale une oasis rayonnante de culture gréco-romaine, arabe et perse. Polyglotte, parlant grec, araméen, latin et égyptien, Zénobie accueillait dans sa cour des philosophes et des lettrés, parmi lesquels le célèbre Longin, qui devint son conseiller. On raconte qu’elle se nourrissait frugalement, montait à cheval aux côtés de ses soldats et assistait en personne aux conseils de guerre. Cette femme, à la fois intellectuelle et stratège, incarna l’idéal d’une souveraine éclairée dans un monde dominé par les hommes. Sa plus grande audace fut de défier Rome. Profitant du chaos politique après la mort de l’empereur Gallien, Zénobie fit frapper des monnaies à l’effigie de son fils, avec l’inscription “Auguste”, signe d’indépendance. Elle conquit l’Égypte, cœur économique de l’empire, et prit Alexandrie, provoquant la fureur de l’empereur Aurélien. Ce dernier marcha contre elle en 272. Après plusieurs batailles, Palmyre fut assiégée. Zénobie tenta de fuir vers les Perses pour chercher de l’aide, mais elle fut capturée sur les rives de l’Euphrate.
Le destin de la reine captive reste entouré de mystère. Les sources divergent : certains historiens affirment qu’elle fut emmenée à Rome, où Aurélien la fit défiler enchaînée d’or lors de son triomphe, avant de lui offrir une villa à Tivoli, où elle vécut dans l’aisance jusqu’à la fin de ses jours. D’autres pensent qu’elle fut exécutée. La légende, plus indulgente, préfère l’image d’une souveraine vieillissant dignement en Italie, entourée de philosophes et de souvenirs d’Orient.
Zénobie a laissé une empreinte durable. Dans les siècles suivants, elle devint un symbole de courage et de liberté, inspirant poètes, peintres et dramaturges. Les Romantiques du XIXᵉ siècle virent en elle une héroïne digne d’Antigone ou de Cléopâtre, et les archéologues du XXᵉ siècle redécouvrirent, au milieu du désert syrien, les ruines grandioses de Palmyre, témoins de sa grandeur. Zénobie incarne la rencontre entre l’Orient et l’Occident, la culture et la puissance, l’audace et la sagesse. Son nom, enveloppé de sable et de légende, traverse les âges comme un souffle de liberté. Dans un monde où la voix des femmes était souvent étouffée, elle osa régner, conquérir et rêver d’un empire nouveau. Sa chute n’efface pas son éclat : elle demeure la reine rebelle qui défia Rome et la mémoire immortelle du désert syrien.
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