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9 octobre 2025

Gastronomie : Le Couscous, la chaleur du Maghreb dans un plat







  Le couscous n’est pas un simple plat, c’est un héritage vivant. Derrière ce mot devenu universel se cache toute une civilisation, des gestes ancestraux transmis de génération en génération, et une symbolique forte du lien entre les peuples du Maghreb. Entre l’Afrique, la Méditerranée et le monde, le couscous raconte une histoire de savoir-faire, de voyage et de cœur.


  Les premières traces du couscous remontent à l’Antiquité. Des poteries découvertes dans le nord de l’Algérie et en Maurétanie (région correspondant à l’actuel Maghreb) montrent des ustensiles semblables au couscoussier. On estime que les Berbères furent les premiers à développer cette technique de cuisson à la vapeur, permettant de tirer le meilleur parti du blé dur, ressource précieuse dans les zones semi-arides. Le terme "couscous" proviendrait du mot berbère seksu, qui signifie littéralement "bien roulé", en référence au geste de façonnage de la semoule. Ce savoir-faire, minutieux et poétique, se transmettait de mère en fille : il fallait rouler, tamiser, aérer, puis cuire la semoule à la vapeur sans jamais la détremper. Au fil des siècles, le couscous a voyagé. Il s’est adapté aux routes commerciales, s’enrichissant d’épices venues d’Orient, de légumes méditerranéens, de viandes et de poissons locaux. Il est devenu, peu à peu, le plat identitaire de tout le Maghreb.


  Préparer un couscous n’est jamais anodin. C’est un acte de patience et d’attention. La semoule, base du plat, est traditionnellement roulée à la main avec un peu d’eau et d’huile d’olive. Puis vient la cuisson à la vapeur, dans le fameux couscoussier, un récipient à deux étages : le bouillon parfumé mijote en bas, tandis que la semoule s’imprègne de ses arômes en haut. Le bouillon, lui, est un concentré de saveurs. Oignons, tomates, pois chiches, carottes, navets, courgettes, et parfois raisins secs y mijotent longuement avec de la viande (agneau, poulet ou merguez). Les épices varient selon les traditions : ras el-hanout, curcuma, gingembre, paprika, coriandre, safran ou harissa pour relever le tout. Certains y ajoutent des légumes racines ou du piment doux, d’autres une touche sucrée avec des oignons caramélisés et des raisins secs, comme dans le célèbre couscous tfaya marocain.


  Le couscous est un plat caméléon. Il change de goût et de forme selon les régions et les familles. En Algérie, on trouve le couscous aux sept légumes, symbole d’abondance, mais aussi des variantes régionales comme le couscous de Kabylie aux fèves ou le couscous au poisson dans l’Oranais. En Tunisie, le plat est souvent relevé et coloré. On y ajoute de la harissa et des poissons de Méditerranée, comme la dorade ou la lotte. Au Maroc, les recettes se font plus douces, avec des oignons caramélisés, des pois chiches et du raisin sec. En Libye et en Mauritanie, on le retrouve accompagné de viande séchée, de lait caillé ou même de dattes. Au-delà du Maghreb, le couscous a traversé la Méditerranée. En France, il est devenu un plat familial du dimanche, aussi populaire que la blanquette ou le pot-au-feu. Des restaurateurs comme ceux de la diaspora maghrébine ont contribué à en faire l’un des plats préférés des Français. Aujourd’hui, on le retrouve sur toutes les tables, du bistrot de quartier au restaurant gastronomique. 


  Dans la culture maghrébine, le couscous n’est pas qu’un repas : c’est un moment de lien social. On le prépare pour les grandes fêtes, les mariages, les naissances, les retrouvailles ou les vendredis après la prière. Il se partage dans un grand plat commun, où chacun puise sa portion, selon un rituel de respect et de proximité. Il n’est pas rare que le couscous serve aussi à honorer les ancêtres, à marquer la fin du Ramadan ou à consoler les familles endeuillées, preuve que ce plat accompagne la vie dans toutes ses dimensions.


  Ce symbole du partage a même été reconnu par l’UNESCO en 2020, lors de son inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, une reconnaissance partagée par quatre pays : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie. Un rare exemple d’unité culturelle à l’échelle du Maghreb.


  Si les recettes ancestrales perdurent, le couscous s’adapte aussi aux tendances modernes. Les versions végétariennes, au quinoa ou sans gluten, rencontrent un grand succès dans les restaurants et les cuisines du monde entier. Des chefs étoilés s’en inspirent pour créer des variations haut de gamme, mêlant semoule grillée, légumes confits et espuma de bouillon épicé. Pourtant, l’essence du couscous demeure la même : un plat simple, sain, et profondément humain. C’est cette capacité à traverser les âges et les cultures, sans jamais perdre son âme, qui en fait l’un des trésors les plus précieux de la gastronomie mondiale.


  Le couscous est à la fois un mets et un message : celui du respect des traditions, du plaisir de la table et du lien entre les générations. Il unit les peuples du Maghreb et séduit le reste du monde par sa richesse aromatique et sa symbolique universelle. Qu’il soit savouré dans une maison berbère, sur une terrasse de Tunis ou dans un restaurant parisien, le couscous reste une ode à la convivialité, à la mémoire et à la chaleur humaine.



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