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16 octobre 2025

Anthropologie : Les Arbëreshë, mémoire vivante de l’exil albanais en Italie








  Les Arbëreshë représentent l’un des groupes ethniques les plus fascinants et méconnus d’Europe. Installés en Italie depuis plus de cinq siècles, ils sont les descendants des Albanais qui ont fui les Balkans à la suite de l’expansion ottomane au XVe siècle. Ces communautés ont su conserver une langue, une foi et des traditions uniques, formant un véritable pont culturel entre l’Italie et l’Albanie. L’histoire des Arbëreshë commence au temps de Skanderbeg, le héros national albanais qui résista aux Turcs. Après sa mort en 1468, de nombreux Albanais chrétiens ont fui les invasions ottomanes pour chercher refuge dans les royaumes d’Italie du Sud : en Calabre, en Sicile, dans les Pouilles ou dans le Molise. Ces exilés furent accueillis par les souverains italiens, qui y voyaient une manière de repeupler des zones dévastées par les guerres et les famines.


  Les Arbëreshë parlent encore aujourd’hui un dialecte appelé arbërisht, issu de l’albanais médiéval. Cette langue, restée étonnamment pure, a conservé de nombreux archaïsmes disparus du parler moderne d’Albanie. Elle est transmise oralement depuis des générations et reste enseignée dans certaines écoles locales. L’arbërisht est aujourd’hui reconnu et protégé par la loi italienne, au même titre que d’autres langues minoritaires. Sur le plan religieux, les Arbëreshë appartiennent principalement à l’Église catholique de rite byzantin. Cette particularité les distingue à la fois des catholiques latins italiens et des orthodoxes albanais. Leurs offices se déroulent souvent en grec ancien et en arbërisht, et leur liturgie, d’une beauté singulière, reflète la fusion des traditions orientales et occidentales.


  Être Arbëreshë, c’est appartenir à une culture double : profondément italienne par le territoire, mais farouchement albanaise par la mémoire. Leurs villages pittoresques, comme Piana degli Albanesi en Sicile ou San Demetrio Corone en Calabre, sont de véritables bastions identitaires. On y célèbre encore des fêtes traditionnelles albanaises, comme le Ditët e Rinisë (la fête de la jeunesse) ou des reconstitutions du retour symbolique de Skanderbeg.


  Au XXIᵉ siècle, les Arbëreshë sont environ 100 000 à travers l’Italie. Ils se battent pour maintenir vivantes leurs traditions face à l’assimilation culturelle. Des associations, écoles et festivals œuvrent à la préservation de leur héritage, témoignant d’un attachement exceptionnel à leurs racines. Le peuple arbëreshë incarne à merveille la richesse de la diversité européenne : un exemple d’intégration réussie sans renoncer à son identité. Entre les montagnes de Calabre et les collines siciliennes, leur langue et leurs chants continuent de raconter l’exil, la résistance et la fierté d’un peuple deux fois méditerranéen.



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