Né dans le Londres de la fin des années 1950, le mouvement Mod (pour Modernist) est bien plus qu’un courant de mode ou un style musical. C’est une culture urbaine qui a bouleversé la jeunesse britannique des années 60, en s'imposant comme un art de vivre à part entière, entre élégance raffinée, goût pour la modernité, et rébellion feutrée. Les premiers Mods sont issus de la classe ouvrière et moyenne. Ils rejettent les valeurs conservatrices de l’après-guerre, et veulent à tout prix se démarquer de la génération de leurs parents mais aussi des Teddy Boys, figures rock'n'roll plus brutes et rétro. Les Mods adoptent une posture plus urbaine, esthétique et intellectuelle, où chaque détail compte.
L’image est capitale pour les Mods. Leur style vestimentaire, directement inspiré de l’élégance italienne et française, se caractérise par des costumes cintrés, des chemises impeccables, des chaussures en cuir brillant, et des marques cultes comme Fred Perry, Ben Sherman ou Crombie. Le parka militaire M-51 devient leur signature, porté pour protéger leur look sur leurs scooters, car oui, l’allure passe aussi par la monture. Les Mods se déplacent exclusivement en Vespa ou Lambretta, symboles de liberté et de style. Ces scooters sont customisés à l’extrême : rétroviseurs multiples, chromes brillants, phares en série... C’est une façon d’affirmer leur identité moderne, et de rouler différemment du reste de la société. Lors du week-end de Pâques 1964 à Brighton, une bagarre mémorable, de centaines de Mods et de Rockers ont eut lieu, opposant ces deux jeunesses que tout semble séparer. Cette "bataille" spectaculaire, relayée par les journaux, a donné au mouvement une image de jeunesse incontrôlable. Pourtant, la plupart des jeunes présents ne faisaient que danser, boire et rouler, quelques bagarres ont suffi à créer la légende.
Musicalement, les Mods sont d’abord attirés par le jazz moderne, puis par le rhythm and blues, la soul, le ska jamaïcain, la musique Motown. Rapidement, le rock britannique s’en empare. Des groupes comme The Who, The Small Faces, The Kinks ou The Action deviennent les héros de cette génération, souvent très jeunes, dansante et hyper stylée. Les Mods avaient un goût très pointu pour la musique. Certains allaient jusqu’à importer des 45 tours de soul américaine inconnus en Europe, qu’ils passaient ensuite dans les clubs. Leur exigence a posé les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le digging qui est la recherche obsessionnelle de pépites musicales rares. Dans les années 60, la BBC ne diffusait presque pas les morceaux préférés des Mods, jugés trop "ethniques" ou "populaires". Résultat, les Mods se sont tournés vers des radios pirates comme Radio Caroline, qui diffusaient depuis des bateaux en mer, hors des eaux territoriales. Une vraie guerre de fréquences, menée pour la musique !
Être Mod, c’est adopter une attitude hédoniste, exigeante, soignée, sans pour autant tomber dans la délinquance. Les Mods aiment la nuit, les clubs, les virées en scooter, les disquaires, les cafés chics, et les sons venus d’ailleurs. C’est une contre-culture chic, exigeante, souvent passionnée de modernité et d’esthétique. Un vrai Mod pouvait passer plus de 30 minutes à cirer ses chaussures avant de sortir. Pourquoi ? Parce que l’image que tu projetais, des pieds à la tête, définissait ton rang social dans le groupe. Des chaussures mal entretenues ? Tu risquais d’être considéré comme un "wannabe" ou un amateur. Certains Mods, obsédés par l’élégance, emportaient deux chemises pour une soirée : une pour danser, une propre pour rentrer. D'autres faisaient repasser leurs jeans après chaque port, pour qu’ils gardent la pliure parfaite. Être Mod, c’était une discipline quotidienne, pas juste une pose.
Le mouvement connaîtra un revival dans les années 70-80 avec The Jam et Paul Weller comme figures de proue.
Le film "Quadrophenia" (1979), inspiré par l’album des Who, est sans doute le plus bel hommage à cette culture. Depuis, le style Mod a influencé des générations de stylistes, musiciens et artistes. Il plane encore aujourd’hui dans certains courants de la pop britannique, du streetwear rétro ou des scooters clubs passionnés.
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