Imaginez une petite ville espagnole d’à peine 10 000 habitants, envahie chaque été par des foules en délire venues du monde entier, prêtes à se transformer en guerriers éclaboussés de rouge. Bienvenue à Buñol, en Communauté valencienne, où se déroule chaque dernier mercredi d’août, la Tomatina, la plus célèbre bataille de tomates au monde. Ce n’est pas un festival folklorique comme les autres... Ici, on ne danse pas en costumes traditionnels, on ne célèbre ni un saint ni une victoire historique, on se lance des tomates à la figure par milliers, dans un joyeux chaos. Et contre toute attente, cet événement absurde est devenu l’un des rendez-vous estivaux les plus emblématiques d’Espagne. La Tomatina attire chaque année entre 15 000 et 20 000 personnes, soit bien plus que la population de Buñol elle-même. Les rues du centre-ville sont recouvertes de bâches en plastique, les vitrines sont protégées, et tout le monde se prépare à recevoir une pluie de tomates mûres et juteuses. Mais attention, il ne s’agit pas d’un simple défoulement sans règles : tout est encadré, minuté, et même sécurisé. C’est ce mélange entre délire collectif et organisation précise qui rend la Tomatina si unique.
Cette fête a beau sembler totalement décalée, elle véhicule aussi une vraie énergie festive et une dose impressionnante de bonne humeur. Les gens viennent de loin, parfois d’Australie, du Japon ou du Canada, pour vivre cette expérience sensorielle hors norme, où l’on oublie les barrières culturelles, sociales ou linguistiques au profit d’un seul mot d’ordre, s’amuser. La Tomatina, c’est un concentré de folie latine, un exutoire joyeux, une explosion de couleurs et de rires. Et surtout, c’est un moment où l’Espagne démontre, encore une fois, son incroyable talent pour réinventer la fête populaire.
La Tomatina trouve ses racines en 1945, lorsqu'une rixe éclata lors d’un défilé festif à Buñol. Des jeunes, frustrés de ne pouvoir participer, auraient saisi des tomates sur un étal voisin pour les lancer sur les participants. L’année suivante, ils recommencèrent volontairement, et la tradition prit racine. Longtemps tolérée puis interdite dans les années 1950, la Tomatina fut réhabilitée dans les années 80, notamment grâce à l’appui populaire et médiatique. En 2002, elle obtint même le statut de Fête d’intérêt touristique international. Une belle revanche pour une simple dispute qui a dégénéré en carnaval légendaire !
La Tomatina se tient chaque année le dernier mercredi d’août, à 11h tapantes. Avant le lancement officiel, un "palo jabón" un mât glissant enduit de graisse est dressé, au sommet duquel, trône un jambon, que les plus téméraires tentent d’attraper. Dès que le signal est donné, plusieurs camions déversent des tonnes de tomates mûres sur la foule compacte. S’ensuit une heure de joyeuse pagaille où les participants se bombardent dans les rues étroites de Buñol. À midi, un coup de canon met fin aux hostilités. Place ensuite au nettoyage, pour les corps... et pour la ville !Environ 120 tonnes de tomates sont utilisées, toutes cultivées spécialement pour l’événement et jugées impropres à la consommation. Ces projectiles rouges transforment Buñol en rivière pulpeuse. L’impact économique est significatif pour la commune : hôtels complets, restaurants bondés, et afflux touristique estimé à plusieurs millions d’euros. En une heure, la ville vit un condensé de festivité, de logistique… et de jus de tomate !
Mais la Tomatina ne fait pas l’unanimité, des voix s’élèvent chaque année pour dénoncer un gaspillage alimentaire injustifiable. En réponse, les organisateurs rappellent que les tomates utilisées sont invendables et destinées à être détruites. D’autres critiquent l’aspect commercial de la fête, devenue payante et surmédiatisée. Pourtant, pour beaucoup, elle reste un moment de partage et d’oubli du quotidien. Buñol, elle, assume son identité festive, quitte à finir éclaboussée de débats aussi rouges que les tomates elles-mêmes.
Anecdotes :
- La Tomatina a inspiré des versions « dérivées » dans d’autres pays comme la Colombie ou l’Inde, mais aucune n’égale l’originale de Buñol.
- En 2015, un participant a proposé en mariage sa compagne en plein bain de tomates !
- Certaines années, la pluie a transformé la ville en mare rougeâtre glissante digne d’un film burlesque. En 2020 et 2021, la fête a été annulée pour cause de pandémie, une rare interruption dans son histoire récente.
- Et le record non officiel ? Un participant recouvert de tomates de la tête aux pieds, en moins de 30 secondes.
Si vous rêvez de plonger dans cette mer de tomates, mieux vaut s’y préparer sérieusement. La Tomatina se déroule chaque année à Buñol, à une quarantaine de kilomètres de Valence. Le plus simple est de loger à Valence ou dans les environs, car les hébergements à Buñol sont rares et pris d’assaut des mois à l’avance. Des bus spéciaux sont souvent affrétés pour l’aller-retour dans la journée. Attention : depuis quelques années, l’entrée est payante (autour de 10 à 15 €), et le nombre de places est limité à 20 000 personnes, pour des raisons de sécurité. Réservez votre billet en ligne longtemps à l’avance. Côté tenue, oubliez les vêtements auxquels vous tenez ! Choisissez des habits légers, résistants et surtout que vous n’aurez aucun regret à jeter ensuite. Le blanc est populaire, mais attention : après quelques minutes, vous serez rouges de la tête aux pieds. Portez des chaussures fermées, idéalement des baskets solides, car les tongs ou sandales se perdent vite dans la mêlée. Les lunettes de piscine sont conseillées pour protéger les yeux de l’acidité des tomates. Un sac étanche autour du cou peut servir pour votre téléphone ou vos papiers, mais mieux vaut tout laisser à l’hôtel.
Il est interdit d’apporter ses propres tomates ou d’objets durs. Il faut écraser les tomates dans la main avant de les lancer, pour éviter les blessures. Et on ne grimpe pas sur les balcons ou les camions ! Des douches de fortune sont mises à disposition à la fin pour un premier rinçage, mais beaucoup filent directement vers la rivière ou se changent dans les rues adjacentes. Enfin, n’oubliez pas : la Tomatina, c’est un esprit. Il ne s’agit pas de "gagner" ou de "viser juste", mais de rire, de glisser, de vivre une expérience absurde et collective.
Et si vous n’aimez pas te faire éclabousser, restez sur le trottoir et prenez des photos. Le spectacle en vaut aussi largement la peine !
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