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1 mai 2025

Bizarrerie : La Psychomancie







  La psychomancie, du grec psyché (âme) et manteia (divination), est une pratique ancienne visant à établir un lien entre le monde des vivants et celui des esprits. Apparue dans l'Antiquité, notamment en Grèce, elle s'inscrit dans la famille des arts divinatoires liés à l'âme et aux morts. La psychomancie s’appuie sur l’idée que certaines âmes, lieux ou objets (comme les miroirs) peuvent servir de passerelles vers l’invisible. Contrairement à la nécromancie plus connue, qui appelle souvent les morts dans des rituels spectaculaires, la psychomancie est plus intérieure : c’est une plongée dans l’âme, un dialogue silencieux, une quête d’images, de signes ou de révélations subtiles. Dès l’Antiquité, certaines cités grecques possédaient des lieux sacrés consacrés à ces pratiques, notamment le fameux Nécromanteion d'Éphyre. La psychomancie a perduré à travers les âges, discrète mais persistante, se transformant selon les époques et les croyances. 


  Le miroir occupe une place centrale dans la psychomancie. Véritable interface entre les dimensions, il est perçu comme une surface où le visible et l’invisible se superposent. Dès l’annonce d’un décès, certaines traditions populaires imposaient de couvrir les miroirs pour éviter que l'âme du défunt ne s'y emprisonne ou ne tente de communiquer. Dans plusieurs cultures d’Europe, notamment en Corse, en Bretagne ou en Roumanie, il est impératif de couvrir les miroirs après un décès. Pourquoi ? Pour éviter que l’âme du défunt ne s’y reflète, ou ne reste "piégée". Utiliser un miroir dans un rituel de psychomancie demande une préparation méticuleuse : obscurité légère, bougie vacillante, silence profond. Le praticien fixe la surface jusqu’à ce que son regard traverse l'image habituelle et atteigne une autre "réalité", faite de visions, de visages ou de symboles. Le miroir noir, fait d'obsidienne ou de verre teinté, est particulièrement prisé pour son pouvoir absorbant. Plus que voir des fantômes, il s'agit souvent d'interpréter les formes et ressentis qui surgissent, un peu comme dans un rêve éveillé. John Dee, célèbre mage et astrologue d'Élisabeth Ire, utilisait au XVIe siècle un miroir d'obsidienne noire d’origine aztèque. Il prétendait y voir et entendre des esprits, souvent par l’intermédiaire de son médium Edward Kelley. Ce miroir est aujourd'hui exposé au British Museum à Londres. Certains visiteurs disent y avoir ressenti une "présence étrange". Certaines légendes disent même qu’on pouvait y voir l’image du prochain à mourir si le miroir restait découvert. En 1692, lors des procès des sorcières de Salem, une jeune fille déclara qu’une femme l’avait "ensorcelée" grâce à un miroir magique dans lequel elle aurait vu le diable. L’objet n’a jamais été retrouvé, mais les procès mentionnent plusieurs cas où des miroirs ou des surfaces réfléchissantes étaient considérés comme des outils de sorcellerie.

  Une légende italienne raconte qu’une jeune veuve pouvait, la nuit de pleine lune suivant la mort de son mari, voir son visage dans un miroir, mais uniquement si elle gardait un silence total. Si elle parlait, riait ou pleurait, le reflet disparaissait à jamais. Ce rituel symbolise l’amour éternel et la fragilité du lien entre les mondes.


  La pratique de la psychomancie exige un état mental particulier. Entre veille et sommeil, là où les barrières rationnelles s'effacent. Avant d’entreprendre une séance, l’esprit doit être apaisé, débarrassé des tensions quotidiennes. Certains pratiquants méditent longuement, d'autres utilisent des encens spécifiques ou des formules d’ouverture. Le rituel peut se dérouler devant un miroir, une eau sombre, ou même une simple flamme. L'objectif n'est pas de "voir" comme avec les yeux, mais de recevoir intérieurement. Les images qui apparaissent, visages, paysages, symboles... Ils ne sont jamais à interpréter littéralement. Elles sont des échos de l’inconscient, des messages codés. Chez certains peuples anciens, des périodes de jeûne, de purification et parfois l’usage de plantes psychoactives accompagnaient le processus pour favoriser l’émergence de visions. Aujourd'hui encore, certains médiums utilisent des variantes de la psychomancie pour tenter de contacter l'au-delà.


  Sous un regard moderne, notamment jungien, la psychomancie s’apparente à une exploration de l’inconscient. Le miroir devient alors l'écran sur lequel se projettent des fragments du moi profond : souvenirs, désirs enfouis, figures de l'ombre ou de la sagesse. Voir un défunt dans un miroir n'est pas forcément une manifestation surnaturelle. Cela peut être un travail intérieur de deuil, une tentative de réparation ou de réconciliation. Jung parlait d’archétypes universels qui émergent lors d’états modifiés de conscience : le vieil homme sage, la grande mère, le héros déchu, etc... Ces figures peuvent apparaître sous les traits d’un défunt cher à notre cœur. En ce sens, la psychomancie n’est pas tant une communication externe qu'une révélation interne. Toutefois, dans un cadre spirituel ou mystique, beaucoup continuent d'y voir une authentique fenêtre vers d'autres plans de réalité.


  Pratiquer la psychomancie n’est pas anodin. Toutes les traditions sérieuses insistent sur la nécessité de respecter des règles de prudence : éviter de pratiquer en état de fragilité émotionnelle, de poser des intentions claires, et surtout de clôturer proprement les séances (remerciements, coupure du lien établi). Certains témoignages rapportent des effets secondaires comme des cauchemars, des obsessions, ou un sentiment de "présences" non souhaitées. En Angleterre victorienne, la catoptromancie (divination par miroir) était même pratiquée à Halloween pour voir son futur époux ou... un spectre. Aujourd’hui, la psychomancie inspire encore artistes, écrivains et chercheurs de l’âme. Elle reste un pont fragile, mystérieux, entre notre monde intérieur et l’éternel mystère de l’invisible. 


  Le célèbre médecin et chercheur Raymond Moody, spécialiste des expériences de mort imminente (EMI), a créé un psychomantéum moderne dans les années 1990 : une pièce sombre, silencieuse, avec un grand miroir incliné, où les participants pouvaient "voir" des défunts. Nombreux sont ceux qui ont vécu des expériences émotionnelles profondes, parfois perçues comme des apparitions réelles.

  L’un des dangers les plus courants est de perdre pied entre la vision intérieure et la réalité extérieure. Lorsqu’on médite longuement devant un miroir, dans l’obscurité et le silence, l'esprit peut projeter des images puissantes, parfois troublantes. Une personne vulnérable émotionnellement pourrait prendre ces visions pour des faits réels et en être durablement marquée. Certains témoignages évoquent des visions angoissantes ou menaçantes des visages déformés, des silhouettes sombres, des sensations de "présence" dans la pièce et ainsi de suite. Que ce soit une hallucination hypnagogique, un effet psychologique ou une manifestation mystérieuse, cela peut entraîner des cauchemars, du stress, voire un traumatisme si la personne est impressionnable. Certains pratiquants peuvent développer une forme de dépendance émotionnelle, vouloir sans cesse retourner devant le miroir pour "ressentir" ou "voir" quelque chose. Cette quête répétée peut couper du monde réel, et créer une illusion de communication régulière avec les morts ou des entités.

  Dans de nombreuses traditions, ouvrir un lien vers l’au-delà, même symboliquement, doit toujours s’accompagner d’une fermeture rituelle. Ne pas refermer la séance peut laisser place à un sentiment de malaise ou de "perturbation" dans l’ambiance de la pièce ou chez soi. Des objets peuvent sembler "chargés", des lieux devenir oppressants. Ce ressenti est à prendre au sérieux, même si on y voit un effet psychologique.



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