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2 mai 2025

Voyage : Le Cap Corse, parfait pour un jour, une semaine, une saison, une vie







  À l’extrême nord de la Corse s’étire un monde à part : le Cap Corse, péninsule fière et sauvage surnommée avec justesse « l’île dans l’île ». Là, entre la mer Tyrrhénienne et les hauteurs escarpées, s’épanouit une région d’une beauté brute, où la nature dicte encore sa loi. Routes sinueuses, villages suspendus, tours génoises veillant sur des criques turquoise. Le Cap Corse n’est pas seulement une destination, c’est une expérience, une parenthèse hors du temps.


  La voiture est indispensable. Il faut prendre la route D80, celle qui fait le tour du cap, pour en ressentir toute la puissance. mai-juin et septembre sont idéals (beau temps, pas trop de monde). Depuis Bastia, on longe la côte Est, douce et lumineuse, en découvrant des perles comme Erbalunga, avec sa magnifique tour génoise et son petit port d’artistes aux façades délavées, ou Macinaggio, havre de plaisance niché au creux des collines. Là débute le fameux Sentier des Douaniers, itinéraire côtier spectaculaire menant jusqu’à Centuri, idéal pour les marcheurs en quête de panoramas saisissants et de criques secrètes. Plus au nord, Barcaggio dévoile ses plages sauvages et ses troupeaux de vaches en liberté, face à l’île de la Giraglia, constamment battue par les vents. Le Libecciu et le Mistral soufflent fort sur le Cap, rendant parfois la route littorale dangereuse, mais nourrissant aussi les légendes. Autrefois, les anciens croyaient que certains vents pouvaient "rendre fou" ou porter malheur s’ils arrivaient au mauvais moment d’une cérémonie (baptême, enterrement, etc...). On fermait alors les volets, et les nonnes récitaient des prières pour "apaiser le vent".


  Le versant occidental du Cap, plus abrupt et moins fréquenté, fascine par sa rudesse. Nonza, juché sur une falaise de schiste noir, semble défier la mer. Sa plage sombre, vestige d’une ancienne carrière, tranche avec les eaux claires environnantes. Faites des arrêts à Canari, Pino, Morsiglia, Barrettali ou encore Centuri, avec son petit port de pêche en fer à cheval, ils dévoilent chacun un caractère bien trempé. À Centuri, la langouste est reine, et les terrasses face aux bateaux offrent l’un des plus beaux couchers de soleil de l’île. Au XXe siècle, Centuri était l’un des plus grands ports de langoustes de Méditerranée. Si bien que certains pêcheurs échangeaient directement leurs prises contre du matériel ou des services. Une anecdote locale raconte même qu’un mariage fut payé en langoustes ! Une dizaine de caisses envoyées à Bastia avaient suffi à convaincre un traiteur corse très gourmand.


  Mais le Cap Corse, ce n’est pas qu’une carte postale marine. À l’intérieur des terres, les villages comme Rogliano, Luri, Cagnano ou Pietracorbara racontent une autre histoire : celle de marins partis faire fortune à Cuba ou à New York, de vignerons, de familles corses fières de leurs racines. Les sentiers mènent à des chapelles isolées, des couvents abandonnés, des moulins à vent en ruines, ou encore des "cappelle", ces tombeaux familiaux en forme de temple grec, insolites et touchants. Le Monte Stello, qui domine la région du haut de ses 1307 mètres, attend les randonneurs aguerris pour leur offrir une vue à 360° sur la mer et les vallées.


  Côté mer, le Cap est aussi un paradis pour les amateurs de plongée et de snorkeling. Les eaux cristallines de la réserve des îles Finocchiarola, les tombants autour de Cap Sagro, ou encore les grottes marines près de Centuri recèlent une vie aquatique dense et colorée. On y observe barracudas, murènes, mérous, et même des épaves oubliées.


  Et puis il y a les plaisirs de la table, discrets mais profonds. Une langouste grillée sur le port de Centuri, un verre de muscat pétillant à Luri, un fromage de chèvre rustique dégusté sur une terrasse ombragée, etc... Le Cap Corse se savoure autant qu’il se visite. Parmi les bonnes adresses : U Pozzu à Luri, pour sa cuisine corse familiale, La Sassa à Nonza, pour son ambiance bohème face au coucher du soleil, ou Le Pirate à Erbalunga, renommé pour sa gastronomie de la mer.


  Venir au Cap Corse, c’est accepter de ralentir. Ici, on oublie le bruit, la vitesse, le superflu. On suit les sentiers à son rythme, on se baigne dans des criques sans nom, on échange avec des villageois curieux et discrets. Le Cap Corse n’offre pas une Corse de carte postale facile. Il propose une Corse plus intime, plus vraie, une Corse qui résiste, mais qui sait se dévoiler à qui la regarde avec respect.



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