Avant que les super-héros ne déferlent sur nos écrans, avant même que Marvel ne devienne un empire planétaire, il y avait : Strange ! Publié à partir de 1969 par les éditions Lug, ce magazine mythique a été le sésame des fans français vers l’univers fascinant des Spider-Man, Iron Man et autres X-Men. Mais son histoire, pleine de rebondissements, commence bien différemment...
Dans ses tout premiers numéros, Strange ne se contentait pas d’importer Marvel. Le magazine publiait aussi des récits étranges de science-fiction, souvent peu connus, mettant en scène des androïdes, mutants, civilisations futuristes ou des invasions extraterrestres. Ces histoires venaient soit d’Europe (notamment d’Italie ou d’Espagne), soit d’anciennes séries américaines d’anticipation. Ce mélange étonnant donnait un ton très particulier à la revue, plus proche parfois de Barbarella ou des récits de Métal Hurlant que du super-héros classique. L’éditeur Lug testait les goûts du public, avant de miser à fond sur l’univers Marvel dès les numéros suivants.
À partir de 1970, le succès des héros américains devient impossible à ignorer. Strange se concentre sur les stars de Marvel, avec des noms souvent francisés : Spider-Man devient l’Araignée, Daredevil devient le Diable Rouge, Cyclops devient Œil-de-Feu, The Thing devient la Chose Les traductions étaient parfois fantaisistes voire absurdes, mais elles ont marqué toute une génération. Le ton restait grand public, avec des bulles modifiées, voire des planches censurées quand les scènes étaient jugées trop violentes ou suggestives. Pour réduire les coûts, les premiers numéros étaient imprimés en noir et blanc, ce qui donnait un style graphique unique, parfois même plus sombre et dramatique que les originaux américains. Paradoxalement, ce choix économique est aujourd’hui perçu comme un charme rétro très apprécié des collectionneurs.
Le n°1 de Strange (janvier 1969) est un véritable Graal : certains exemplaires se revendent à plusieurs centaines d’euros. Des planches originales Marvel étaient stockées dans les bureaux de Lug à Lyon. Certaines auraient disparu mystérieusement dans les années 80...De nombreux lecteurs ont découvert les dessins animés Spider-Man ou X-Men grâce à leur passion née avec Strange.Le nom du magazine, Strange, vient de Doctor Strange, même si ce dernier n’apparaît pas régulièrement au début.
À partir des années 1990, la concurrence s’intensifie, les lecteurs deviennent plus exigeants, et les traductions s’affinent. En 1998, après presque 30 ans de bons et loyaux services, Strange disparaît, emportant avec lui une partie de l'enfance de milliers de passionnés.
Aujourd’hui, Strange est bien plus qu’un vieux magazine. C’est un symbole générationnel, un pont entre la France et l’univers Marvel, et un témoignage précieux de la façon dont la culture pop américaine s’est installée en Europe… par le biais d’humanoïdes oubliés, de super-héros mal traduits, et de pages noir et blanc dévorées en cachette sous les draps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire