Jeanne d’Arc naît aux alentours de 1412 à Domrémy, un petit village situé aux confins du duché de Bar (actuellement en Lorraine). Elle nait dans une France morcelée, complètement dévastée par la guerre de Cent Ans et marquée par une insécurité permanente. Fille de Jacques d’Arc, un laboureur aisé, et d’Isabelle Romée. Jeanne grandit au sein d’une famille de paysans libres, ni nobles ni asservis, mais respecté. Son enfance se déroule à la campagne, imprégnée de traditions chrétiennes et de récits de saints. Elle apprend la piété, la foi en Dieu sans même savoir lire. Dans cette France ruinée, dévastée et miséreuse, tout les repères s’effondrent. Le roi est contesté, d'ailleurs, quand Jeanne d'Arc le rencontre il est dauphin, et pas encore roi. Le peuple est complètement désespéré, les invasions anglaises ainsi que les raids et escarmouches, se succèdent. Les paysans sont les premiers à souffrir de cette instabilité toujours croissantes. Ils s’en remettent à Dieu et à ses saints pour obtenir protection et délivrance, et en même temps ils n'ont pas le choix. La religion n’est pas seulement un refuge spirituel c'est aussi le cœur battant de cette société rurale. C’est dans ce climat de tensions que Jeanne va forger son caractère. Très tôt, elle se distingue des autres par sa ferveur religieuse. Elle se rendait souvent seule à l’église, et elle priait longuement, montrant ainsi une sensibilité spirituelle peu commune. Elle n’était pas une enfant comme les autres, elle était sérieuse, pieuse et réservée. Rien ne la prédestinait à la guerre, et pourtant, c’est depuis ce monde emprunt à une peur quotidienne, ce monde simple et reculé, que sa voix s’est élevée pour bouleverser l'ordre établis.
Selon ses propres dires, à l’âge de treize ans, alors qu’elle était dans le jardin de son père, Jeanne entend une voix accompagnée d'une lumière éblouissante, et une présence l’enveloppe. Une expérience qui se répétera souvent, durant des années, avec une intensité croissante. Ce sont les voix de saint Michel, sainte Marguerite et sainte Catherine d’Alexandrie. Ces voix la guident, la rassurent et la poussent à rester pure, pieuse, mais surtout et c'est là que ça commence à être intéressant, à accomplir sa mission divine : sauver le royaume de France et faire sacrer le dauphin à Reims. Une tâche surhumaine pour une fille de simples paysans. Et pourtant, Jeanne ne doute pas. Elle y croit entièrement et inébranlablement. Les voix deviennent pour elle une autorité supérieure à celle des hommes, des prêtres ou même des rois. Ces voix sont d'origines divines, à travers ces voix, elle affirme agir au nom de Dieu, et cette légitimité divine va bouleverser le rapport de force.
Bien avant sa naissance, et bien après sa mort, la France pullulait de prophéties. Certaines annoncent qu’une «"pucelle venue de Lorraine" sauvera le royaume de France. D’autres évoquent une vierge guerrière surgissant du peuple pour défendre la couronne alors menacée. C'est dans ce pays à genoux, ravagé par la guerre et rongé par le doute, que, ces prédictions résonnent comme autant de promesses d’avenir. Quand Jeanne se présente à la cour du dauphin Charles VII en 1429, elle a 17 ans et ces rumeurs préexistantes jouent en sa faveur. Pour beaucoup, elle devient l’incarnation vivante de cette attente collective. Aux yeux du peuple, cela suffit déjà à reprendre espoirs. Elle adopte le mot "Pucelle" comme surnom, ce qui n'est pas un geste anodin. Ce surnom renvoie à sa virginité, signe de pureté et signe d’élection divine, mais aussi à l’imagerie prophétique d’une jeune fille choisie par Dieu pour libérer son peuple. Ce titre, "la Pucelle", devient une armure symbolique, autant qu’une bannière. Il la protège, il la distingue, et il forge sa légitimité. Jeanne n’a pas de sang noble, ni aucune formation militaire, ni même une autorité quelconque. Pourtant, elle se dresse avec l’assurance comme celle qui agit selon la parole de Dieu.
Les conseillers du dauphin (tout en étant sceptiques), comprennent très vite l’intérêt politique et symbolique de cette jeune fille que les foules acclament. Jeanne devient très vite une figure charismatique et surtout providentielle (envoyée de Dieu). Charles VII se laisse convaincre. Le miracle annoncé semble s’accomplir sous leurs yeux : une pucelle surgie de Lorraine, guidée par Dieu, pour sauver la France. Jeanne quand à elle, ne doute jamais de sa mission divine et elle incarne les prophéties. Et dans cette fusion étrange entre foi personnelle et mythe collectif, son destin prend une dimension romanesque, quasi biblique.
En 1429, la situation est critique. Orléans qui était l'une des principales villes du royaume de France, (autant par sa position stratégique que par son importance économique et politique), est assiégée par les Anglais depuis 7 mois. Sa chute engendrerai l’effondrement du peu qu’il reste du royaume de France. C’est dans ce contexte d’urgence qu’apparaît Jeanne sur le champs de bataille, décidée à agir "au nom de Dieu" pour libérer la ville. Elle impressionne par sa fermeté, sa détermination et sa foi inébranlable. Armée d’une bannière blanche frappée des noms de Jésus et Marie, Jeanne n’est pas une stratège, mais elle galvanise les troupes et c'est suffisant. Sa présence seule semble insuffler un nouvel élan à des soldats démoralisés. En l'espace de quelques jours, elle participe à une série d’assauts décisifs. Le siège d’Orléans est levé le 8 mai 1429. C'est un des plus hauts faits militaires de l'histoire de France, le miracle s'est produit et la nouvelle se répand dans tout le royaume, Jeanne "la Pucelle" a tenue parole.
Mais elle ne s’arrêtera pas là. Son objectif est de faire sacrer Charles VII à Reims, selon la tradition qui remonte à Clovis. Le sacre n’est pas un simple couronnement, c’est un acte de légitimation. Sans cela, le dauphin resterait contesté. Le chemin vers Reims, encore tenu par des villes hostiles ou indécises, est périlleux. Pourtant, avec Jeanne d'Arc en tête des armées, les villes se rendent sans combattre, comme subjuguées par sa présence et la vague d’espérance qu’elle renvoi. Le 17 juillet 1429, dans la cathédrale de Reims, Charles VII est sacré roi de France. Jeanne est là, bannière en main, à ses côtés. C’est l’accomplissement de sa mission, le point culminant de son épopée. Pour beaucoup, c’est une preuve que Dieu est bien avec elle et donc avec eux.
Mais ce triomphe ne durera pas longtemps. Son étoile a brillé trop fort, trop vite.
À peine un an après le sacre de Charles VII, le vent tourne. Jeanne, auréolée de gloire, gêne. Son rôle militaire s’affaiblit, la guerre continue, on lui alloue beaucoup moins de soldats. Son influence politique inquiète, les intrigues se resserrent. L’image de Jeanne, si pure et si lumineuse, commence à déranger. Le roi en personne, désormais légitimé, se montre de plus en plus distant. Elle continue de se battre notamment pour reprendre Paris, mais elle n’est plus soutenue comme avant, c'est un échec. Son caractère intrépide et indépendant, sa foi brûlante, son assurance divine ne s’accordent plus avec la prudence de la cour.
Le 23 mai 1430, lors d’une escarmouche près de Compiègne, elle est capturée par les Bourguignons, alors alliés des Anglais. Une descente aux enfers commence pour "la Pucelle d'Orléans". Plutôt que de négocier sa libération, le roi l’abandonne. Les Bourguignons la vendent aux Anglais, qui voient en elle non seulement le visage de l'ennemis, mais aussi et surtout un symbole à abattre. Son procès est mené à Rouen par un tribunal ecclésiastique aux ordres des anglais. C'est un procès politique déguisé en procédure religieuse. L’objectif est de la discréditer, la présenter non comme une hérétique, voire une sorcière pour pouvoir s'en débarrasser (dans les règles) . Lors de son procès, ses juges chercheront longuement à la faire trébucher sur ces voix : étaient-elles celles de Dieu ? Ou celles du Diable ? Jeanne, âgée de 19 ans, fait preuve d’un sang-froid et d’une intelligence saisissante. Mais elle est seule, isolée, affaiblie, et terrifiée. Elle finit par céder à la peur et signe une abjuration. Puis elle se rétracte aussi vite. C’en est trop et c'est assez, elle est condamnée à être brûlée vive.
Le 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché à Rouen, Jeanne monte sur le bûcher. Jusqu’au bout, elle clame qu’elle a agi selon l'ordre de Dieu. Un moine rapporte que ses dernières paroles furent "Jésus ! Jésus !". À la vue des flammes, un soldat aurait murmuré "Nous avons brûlé une sainte". Jusqu'au bout Jeanne, fidèle à elle-même, ne reniera jamais l’origine céleste de son combat.
Le roi Charles VII, dont le sacre a été assuré par elle, se repentira de son abandon. En 1456, un procès de réhabilitation est lancé, et un tribunal papal innocentera Jeanne, déclarant qu’elle avait été injustement condamnée dans un procès beaucoup trop partial. Elle est alors reconnue comme une martyre. Elle incarne l’âme de la France, la figure du sacrifice pour la patrie, celle d’une jeune fille de la campagne qui s’est élevée pour mener son peuple à la victoire. Elle sera canonisée par l’Église catholique, 500 ans plus tard. Son mythe se nourrit de ses victoires, mais aussi de sa tragédie. L'histoire retient une sainte martyre et une héroïne nationale, une force intérieure qui a bouleversé le destin d’un royaume, une figure universelle qui transcende les époques. Un symbole intemporel du pouvoir d'une conviction, d'un appel et d'un destin.
Tout au long des siècles, la Pucelle sera célébrée sous diverses formes, dans la littérature, la peinture, la musique et même la politique. Chaque année, sa mémoire est honorée lors des fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans, et son image reste un symbole de résistance, de pureté, et de lutte pour la justice.
Mais, de nos jours, que peut-on penser de ces voix ? Les historiens et médecins modernes avancent plusieurs hypothèses : hallucinations liées au stress, syndrome de l’épilepsie du lobe temporal, ou encore des troubles psychiatriques, comme la schizophrénie. D'un coté, aucun de ces diagnostics ne parvient à expliquer la cohérence, la constance et la force morale de son comportement. Et de l'autre coté, les voix, si elles relevaient de la pathologie, auraient pu la marginaliser, mais elles ont fait d’elle une meneuse.
Et si, au-delà de la science, on acceptait que ces voix ont été le langage intérieur d’une foi absolue, l’expression brûlante d’un destin hors du commun ?
Peut-être qu'en elle, comme en chacun de nous, réside une part de ce miracle annoncé.
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