Au XVIIIe siècle James Cook, un explorateur, rapporte les faits en Europe, à partir de là les marins commencent à se faire tatouer. Quelques siècles auparavant, le tatouage était condamné par l'église car associé aux hérétiques et aux païens. Ceci dit entre la préhistoire et jusqu'à la fin de l'Empire Romain, le tatouage était monnaie courante, les légionnaires étaient tatoués, tout comme les esclaves, les criminels ou les gladiateurs. L'art du tatouage était présent partout en Europe sauf visiblement en Grèce où il était désigné comme étant un signe de barbarie (par barbarie il faut comprendre barbare, c'est à dire une personne n'étant pas grec, étrangère au monde hellénique).
Le temps passe, et de nos jours, les tatouages possèdent surtout un sens symbolique. Le tatouage est redevenu un langage secret gravé dans la peau. Chaque symbole est choisit pour ce qu'il raconte, protège ou revendique. Toute une histoire derrière chaque motifs, parfois un message, une façon de se rappeler des choses, une prière, parfois une menace silencieuse. Autant de significations que de tatouages.
Ceci dit il y a des symboliques universelles comme par exemple :
Le serpent, qui représente à la fois la sagesse, le renouveau (il mue), mais aussi le danger ou la tentation. Un serpent qui se mord la queue peut symboliser la volonté d'une personne de ne jamais trahir quelqu'un, voir garder ses secrets jusqu'à sa mort.
L'aigle représente la liberté, la clairvoyance et le pouvoir. Il est très utilisé dans les armées ou dans les cultures guerrières.
La rose c'est l'amour, la beauté, la passion, mais aussi la douleur, à cause de ses épines.
Le crâne est loin d’être purement morbide, il peut représenter la victoire sur la mort, l’acceptation du destin, ou un rappel de vivre pleinement.
D'autres symboliques sont beaucoup plus secrètes, les runes vikings par exemple, les langages codés, les symboles ésotériques, les formes géométriques sacrées...
Dans énormément de culture le tatouage sert à protéger le porteur contre le mal, les blessures, les maladies, les esprits, etc.. Dans certains courants du bouddhisme, les moines se font tatouer des formules sacrées censés les défendre contre les dangers ou leur porter chance. Dans ce cas il est accompagné de prières et d'interdits à respecter pour ne pas qu'il perde son pouvoir.
Cependant, parfois, les tatouages sont des marques de souffrance, voir de renaissance. Un tatouage peut parfois représenter une cicatrice symbolique, une cicatrice invisible. Beaucoup de gens se font tatouer après un drame, comme la perte d'un être cher, une rupture ou un évènement qui marque la personne. Ce peut être parfois, un prénom, une date, un symbole discret. Dès lors il devient un point d'ancrage, un souvenir fixe, un repère sur la peau, un rappel quotidien de ce qui a été vécu ou surmonté.
Si aujourd’hui le tatouage s’affiche fièrement partout il n'en a pas toujours été ainsi, longtemps il est resté le lot des exclus de toute sortes, les marins, les prisonniers, les marginaux, les gangsters, et ainsi de suite. Longtemps les tatouages était réservé aux "hors-normes". Souvent un signe, de vie rude, de résistance, de rébellion, toute chose qui permettait de dire au gens : je ne suis pas comme vous.
Dès Thomas Cook, les européens réacquièrent petit à petit le tatouage. D'abord ce sont les marins, à chaque port on tatoue une petite ancre, une grosse ancre pour raconter qu'on a survécu à une grosse tempête, une hirondelle pour chaque traversée de l'atlantique. A terre, le marin passe son temps au comptoir d'un bar, certains y restent des mois et se font tatouer une toile d'araignée au niveau du coude, ce qui signifie qu'il ne bouge pas et passe son temps à boire quand il est à terre. Il devient carrément un carnet de route vivant, une preuve d'expérience mais aussi de bravoure, parfois même un lien avec la superstition. Après les marins, les bagnards se tatouent aussi, souvent à l'aide d'aiguilles "de fortunes" (on fait ce qu'on peux avec ce qu'on a). Parfois, ils utilisent de la cendre, du sang et de l'urine. Généralement, les tatouages de bagnards représente le passé, une croix entre les deux yeux signifie le refus d'obéir, le cœur traversé d'une flèche signifie une trahison, un nombre peut signifier la longueur de la peine. C'est là une langue parallèle, pleine d'ironie, de dérision, de douleur et de défiance. Une façon de dire plus tard : j'ai souffert mais j'ai survécu et je n'ai pas oublié.
Dans différentes maffias, le tatouage possède différents aspects. En Russie par exemple, on parle de "tatouage des prisons". Pour faire l'encre, les prisonniers utilisent (encore de nos jours) du sang, de l'urine et du caoutchouc de semelles de chaussures. Dans le milieu carcéral russe, quand un prisonnier voit un autre prisonnier torse nus ou à la douche, il sait tout de lui, il sait par exemple, le nombre de fois qu'il est allé en prison (les clochers d'églises russes orthodoxes signifient le nombre de fois où il est allé en prison). Mais pas seulement. Le prisonnier est tatoué, de façon à ce qu'on sache tout de lui. Si le crane du prisonnier est tatoué d'une couronne en fil barbelé, cela veut dire qu'il restera en prison pour le reste de ses jours, qu'il purge une peine à perpétuité.
Dans la maffia japonaise, les Yakuza sont recouvert de tatouages sur tout le corps, le procédé est long (on parle de centaines d'heures de travail) et douloureux. Parfois le tatouage s'effectue sur 20 ans pour un yakuza. Dragon, guerriers, carpes japonaises, démons, chaque symbole à là encore une signification. Mais ces tatouages doivent pouvoir être caché sous les vêtements car, de nos jours encore, l'association yakuza-tatouage est très mal vu dans la société nippone.
En Occident, jusqu'à la fin du XXe siècle le tatouage est associé, aux punks, aux marginaux, aux rebelles, et aux bikers. Il fait peur, il choque et provoque la méfiance des autres. Mais c'est justement pour ça, qu'il attire ceux qui veulent s'affranchir des normes imposées par la société. Le tatouage est un moyen de se réapproprier son corps, son histoire, sa fierté... et souvent ses douleurs.
Ce sont tout ces petits détails et ces symboliques qui donnent naissance à l'âge d'Or du Tatoo moderne. Pendant longtemps les tatoués tels les yakusas devaient cacher leur peau, soupçonnés d'être ou avoir été lié au crime, la prison, voir des modes de vie alternatifs. Le tatouage longtemps marginalisé, a opéré un changement révolutionnaire dans les sociétés modernes. Une vrai révolution culturelle s'est opéré devenant une forme d'art à part entière. Il s'est esthétisé, popularisé et diversifié. Dans les années 70 et 80, il quitte les ports et les prisons pour s'installer dans les grandes villes.
De nos jours, il existe divers styles de tatouages, autant de style aussi variés que codifiés. Sur des dizaines de style, en voilà sept qui sont dans l'ère du temps :
- Le Old School
- Le New School
- Le Tribal
- Le Réaliste
- Le Minimaliste
- Le Watercolor
- Le Blackwork
L'image et le statut du tatoueur à changé radicalement, passant d'une image d'artisan bourrin dans une boutique sombre, à celui d'un artiste formé au dessin, à l'anatomie, au contact humain, aussi et surtout à l'hygiène. Tatouer c'est devenu: savoir lire dans l'histoire de la personne en face, écouter, comprendre, dessiner, adapter et encrer. Certains tatoueurs contemporain sont connus dans le monde entier, de véritable stars. En France le plus connu est Tintin, spécialisé dans les carpes japonaises. Des listes d'attentes sur plusieurs années pour ce qu'on appel à présent, des tatouages de collection, qui sont de véritables œuvres d'art. Le tatouage est devenu un rituel moderne, intime et exigeant avec parfois des bienfaits thérapeutiques.
Dans un monde ou tout va très vite, et même de plus en plus vite, un monde régit par la mode, les goûts, l'évolution technologique, se faire tatouer n'est pas un simple acte esthétique. C'est aussi et surtout un engagement, une démarche intime qui touche à l'identité, la mémoire et parfois la quête de soi. Une façon de dire : je grave ceci à jamais sur moi. Le tatouage redevient langage muet, il ne crie rien mais il raconte tout. Ce qui est cryptique pour les autres devient une évidence pour soi. On assiste a la naissance des phrases tatouées, des phrases philosophiques, des déclarations d'amour, des citations, des promesses faites à soit même. Petit à petit, le tatouage devient un reflet du chemin parcouru, il devient un marqueur pour les grandes étapes de la vie, comme l'amour, le deuil, la victoire, etc.. On le choisit parfois sur un coup de tête, parfois après trente ans de réflexions.
Se tatouer deviens une affirmation de soi contre le regard des autres. C'est aussi refuser de se fondre dans la norme, une façon de dire : voici ce que je suis, et je l'assume.
Ce qui était autrefois provocateur deviens libérateur. Pour certain c'est une façon de s'approprier ou de se réapproprier son corps. Il devient alors une réconciliation, une reprise de contrôle, un geste d’amour envers soi-même. Et même si, avec le temps, il devient démodés, déformé, flou, ou autres, même s'il est raté, il reste une valeur, celle d'un instant figé dans le temps. Et même si on peut le transformer, le couvrir ou l'effacer, la plupart des tatoués préfèrent les conserver tels quels, comme on accepte les rides ou les cicatrices.
Tantôt sacré, tantôt marginal, tantôt condamné, le tatouage à traversé les époques et les préjugés pour devenir populaire à peux près partout sur le globe, tant chez les riches que chez les pauvres, tant pour les célébrités que pour les anonymes. L'art du dessin corporel entre dans les musées, on y explore ses racines tribales, ses variantes culturelles, ses techniques, ses codes, ses réinventions contemporaines.
Le tatouage passe de modification corporelle à objet d'étude, de conservation et de transmission.
A l'ère d'Internet et des réseaux sociaux, la manière dont on choisit ses tatouages est révolutionné, en quelques clics, un flot ininterrompus de motifs et de modèles change la donne. Assez souvent on ne se creuse plus vraiment la tête, on ne choisit plus toujours un tatouage pour sa symbolique, mais surtout parce qu'il "fait joli" ... On assiste à une uniformisation, le même motif, reproduit à l'infini, qui, de ce fait et par ironie du sort devient un phénomène de mode. Malgré cela, pour beaucoup, on cherche toujours du sens, du lien symbolique et de l'authenticité.
L'avenir du tatouage est radieux, avec les encres temporaires et biodégradables, les tatouages visibles depuis une application sur le smartphone. Et surtout, une nouvelle forme de technologie fait surface, on parle de tatouages électroniques capable de capter des données corporelles comme le rythme cardiaque, la température du corps, etc.
Malgré toute ses métamorphoses, il reste un geste profondément humain, on marque la peau comme on grave un souvenir, une sensation ou une émotion. Il évolue avec le temps et continue à évoluer avec l'humain. Ce n'est ni une mode, ni un simple ornement, ça a toujours été un langage. Tant que l’humain aura besoin de se dire, de se souvenir ou de se distinguer, il y aura toujours de l’encre à faire couler et donc des tatouages à tatouer.